Rideau

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Elle cousait l'ourlet du rideau là dans ce fauteuil. Tout était prêt pour les petites lamelles de bonheur qu’elle attendait. Elle savait faire tous les points, ajourer, plisser, franger. Le chat la regardait, non, il dormait enroulé dans ce panier ! Pauvre chat efflanqué - lui aussi se jetait sur les parcelles du bonheur ! Mais tout ça ne rimait à rien - elle savait faire tous les points mais jamais ne saurait suspendre le rideau à la fenêtre qui ouvrait sur la rue. Le chat lui aussi avait peur d'y retourner car c'était bien de là qu'ils venaient tous les deux -de la rue où tout explosait désormais.

Un jour elle ouvrirait enfin cette fenêtre derrière laquelle elle s'abritait. Elle reprendrait le panier, le chat efflanqué, elle y retournerait après avoir crié au secours, elle serait de nouveau candidate pour ces petites parcelles de bonheur que le temps lui découpait en lamelles. Et ce serait elle qui distribuerait les calottes au premier dyslexique qui passerait. Pour l'instant elle continuait d'ourler le rideau, espérant que viendrait le désorceleur qui la conduirait ailleurs dans le monde des rêves où les rideaux s'ourlent tout seuls, où les claviers ne déconnectent pas, où les chats sont tranquilles.

Allez encore quelques derniers centimètres. Non c'était fini! La chandelle venait de s'éteindre, les premiers brasiers s'enflammaient.

FIN