Bris de conscience

Publié le par Boulègue

retrouvailles, canailles, réfrigérateur, virgule, photographie


Huit bières que je stagne sur ce vieux fauteuil moisi, les points blancs de l'écran saute dans mon regard, je glisse dans un coma cérébral, et déjà le chat s'éloigne de moi.
Les bruits de la rue m'arrivent dans un magma sonore étouffé, une goutte de bave hésite à plonger du col de ma veste de pyjama pour rejoindre les débris de pizza qui ornent mes chaussons.

Dans le miroir derrière la télé, une fente de lumière m'informe que j'ai laissé la porte du réfrigérateur ouvert, et le sommier du voisin grince à rendre son 'âme corrompue aux anges de la literie.
Je tousse. Donc je vis.
Je tends un bras et laisse glisser mes doigts gras sur le relief rance de la tapisserie, une virgule sombre suit la descente de ma main. Je tente de me lever, mais la gravité du fauteuil est terrible.

Dans mon autre main, celle qui tremble, il y a la photographie de la fille que j'aurais pu sauver, et qui doit dormir dans un tiroir réfrigéré avec une étiquette au pied…
Pourtant, les retrouvailles s'étaient bien passés, il y avait mon lit, mon sexe, le sien et des heures d'éternité devant nous et... ah oui, bien sur, l'invité surprise, le canon glacé du 44 magnum du mec qu'elle venait de fuir.
C’est bien des mecs, ça dans les histoires de cocufiage, c'est la fille qui écope d'abord.
Cinq secondes.
Si j'avais réagit cinq secondes plus tôt, je me serais interposé, ou je l'aurais poussé...j'en sais trop rien.

Le seul qui ai gagné, c'est l'escalier de secours, qui a été repeint gratuitement avec la cervelle du cocu... enfin, quand j'ai ENFIN réagi.
Bref, légitime défense, ces canailles de flic n'ont pas cherché plus loin, ma plaque de détective leur a suffit. Et moi comme un lâche, j'ai laissé dire... j'ai laissé faire...
c'est ma neuvième bière....
à la dixième, j'irais faire un tour dehors... quelques pas, enfin, autant qu'une chute du 25 ième étage puisse me le permettre.
Je lègue les restes de pizza à mon chat et ma lâcheté au premier venu, que je laisse ça derrière moi au moins, je serais plus léger pour le grand saut.




Publié dans Contes

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