Dans ses bras

Publié le par Boulègue

noctambule, cucurbitacée, saccharose, patibulaire, hystérie


Alexandre Mougeart, mon patron, m'a envoyé pour mon premier article dans un des plus reculés coins de notre belle France de 1875... Je m'appelle Arthur Lenoir, et je suis un jeune journaliste de 25 ans. Je viens d'être engagé par le petit journal, pour une histoire que le paranormal embaume dans les petits village des Cévennes. J'ai pris la diligence à Paris, et je me retrouve à présent dans une forêt quelque part au sud de Lyon.

Il est onze heures du soir à peu près et je me retrouve dans une clairière envahie par une sorte de cucurbitacée sauvage, et j'ai perdu tous mes repères. Le cocher qui m'a pris à Lyon, m'a emmené à cet endroit, où une dizaine de ses complices se sont jetés sur moi pour me dérober mon argent et mes affaires. Je suis dépouillé, meurtri, perdu, et sanglotant dans un endroit inconnu.
Vers minuit, une lueur verdâtre pût me guider vers les ruines d'un bâtiment qui aurait pû être une ancienne abbaye, enfin ce que le lierre en laisse entrevoir.. Les pierres noircies par le feu, comme écrasées par les mains de feu d'un quelconque géant de l'enfer, rayonnent d'une lueur glaciale et putride, plus vive encore vers une sorte de crypte ensevelie sous la végétation.
Seul, perdu et angoissé, une main sur mon sexe pour cacher ma nudité, je me rapproche vers une porte défoncée pour y trouver un semblant d'abritation. Des marches! Je descends, hagard, fasciné, comme ces noctambules qui,malgré eux, dorment en marchant. Je me dirige vers mon destin en esperant y rencontrer une âme humaine qui pourrait me secourir... Après une longue descente, mes pieds nus prennent contact avec un sol plus doux, recouvert d'une mousse grise recouvrant les dalles de pierre d'une immense salle. Je grelotte, appelle en vain, et me glisse vers une sorte d'autel.
Une musique alors, sirupeuse, épaisse et douce à la fois, vient se coller à mon oreille. Des susurement rauques de femmes en amour, des halètements hachés, viennent influencer mon sexe pour le tromper sur la situation réelle, le faisant frémir et se dresser sans raisons visibles...
Des effleurements...
Des caresses invisibles...
Des promesses venant du fond de l'obscurité viennent à m'attirer sur la table de pierre maculée de taches sombres. Je me laisse happer par cette brise émotionelle et je m'étends sur ce lit de granit.
Une main décharnée, belle, fine et putride vient s'emparer de mon sexe, et l'éclat ivoirien des phalanges à nues vient à contraster avec ma toison pubienne brune. Des lambeaux de dentelles glissent en un lent va et vient sur mes cuisses glacées. Je me laisse porter dans cette étrange langueur sans vouloir remarquer ces os fins qui viennent à me faire grimper le désir.
Dans un éclat, je hurle, jouis et me retourne.
Un visage décomposé de femme me fait face, un rictus aussi patibulaire que satisfait accroche mon regard. Un rire s'échappe de cette forme jadis humaine, et des bras de mort s'accrochent à ma peau... J'en saisis un , je tire pour échapper à cette étreinte morbide et je m'enfuis en hurlant dans la nuit noire.
Je retrouve mes esprits à l'orée d'un village, entouré de saints villageois intrigués qui se penchent sur moi. Tout mon être reflète l'hystérie la plus profonde et ma main tiens encore un bras squelettique, je hurle, pleure...
Noir...

Je suis dans une grande maison. Les gens sont gentils avec moi, je marche lentement, j'attends le soir. Non pas pour la bouillie à la saccharose que l'on sert habituellement aux pensionnaires de cette grande maison, non, non... J'attends le soir. Car le soir, tard , quand tout le monde dors, le bras que j'ai réussi à garder et cacher me caresse, encore, encore, encore, encore...


FIN

Publié dans Contes

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