Oubli, requiem pour une sauterelle

Publié le par Narf

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Il était assis dans sa chaise tressée en bois de cocotier, la chaleur ambiante de sa bicoque écrasait même la moindre mouche qui tentait un envol fébrile. Dehors c'était la même désolation, le rythme des vagues semblait avoir disparu, comme happé par cette présence palpable. On pouvait la ressentir à tout instant.
Elle était là, c'était indéniable. Dans sa cage, Tsatsiki semblait nerveuse autant qu'on peut l'être par 45 degrés de température. C'était sa sauterelle dressée qu'il avait reçue d'un ami grec. Il avait accepté ce cadeau plus pour ne pas froisser que par pur plaisir...
Un éventail à la main, il tentait tant bien que mal de se faire de l'air frais, mais les mouvements qu'il faisait, lui apportaient plus de chaleur et de sueur que de fraîcheur et de réconfort.
Il attendait là. Il savait très bien qu'elle allait venir le chercher.
Mais la lassitude l'avait gagné et il ne voulait pas fuir. De toute façon, il était bien trop tard. Omniprésents, et presque palpables, l'immobilité et le silence semblaient entourer les lieux d'un voile épais de coton. Son ombre commença alors à apparaître, et au loin, alors que le soleil commençait à se coucher, on pouvait l'entendre s'approcher.
Un grondement sourd et empli d'un rage inhumaine...
De plus en plus fort.
De plus en plus près.
De plus en plus fort.
Il lâcha une dernière larme en pensant à son amour. Il lui avait tenu la main lors du dernier tsunami, pendant qu'elle se noyait...
Il voulait que tout ça s'arrête. Il regarda sa sauterelle droit dans les yeux et avant que l'apocalypse ne se déclenche, avant que tout soit emporté, il lâcha ces quelques mots :
"Je n'ai jamais rien demandé à la vie, mais il a fallut qu'elle me soit enlevée. Et maintenant, tout ce dont je suis capable de faire, c'est de parler à une sauterelle en attendant la fin... d'ailleurs, la voici qui arrive. Je vais enfin la rejoindre, dans les eaux de nos soupirs..."
Et dans une explosion d'eau et de débris de bois, la maison fut littéralement effacée de la plage.
Un dernier souvenir apparut alors à cet homme. Celui de la sauterelle flottant sur ce petit portrait du couple éperdu et à jamais perdu.


FIN

Publié dans Contes

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